Et toi, tu choisis quoi : le ndolè ou les pâtes ?

Hier, j’étais fatigué, vidé.
Après ma séance de sport, j’avais besoin de récupérer. Et chez nous, quand on veut se faire plaisir, on va chez Tora — la “mater” qui fait le meilleur poisson braisé de Lyon.

Juste en y pensant, j’ai encore le goût dans la bouche.
Poisson bien cuit, peau croustillante, piment, oignons et bobolo en accompagnement. La totale.

Je suis allé avec les enfants chercher la commande. On faisait la queue tranquillement.
Un gars devant nous racontait une histoire d’agression qu’il avait subie à Lyon.
Entre deux phrases, il s’est tourné vers mon fils et a balancé, le plus sérieusement du monde :

— Il faut bien manger le ndolè, hein. C’est mieux que les pâtes que vous aimez là. En plus, ça rend fort !

On a tous éclaté de rire. Pour moi, rien de profond.

Mais c’était sans compter sur mon fils.

Sur le chemin du retour, il s’est tourné vers moi et m’a demandé :

— Papa, c’est vrai que le ndolè est meilleur que les pâtes ? Et… est-ce que ça rend fort ?

J’ai souri et je lui ai répondu simplement :
— Oui, c’est meilleur que les pâtes. Mais je ne sais pas si ça rend fort. Je pense que le monsieur parlait surtout du goût.

Mais cette discussion a fait son chemin dans mes pensées.
Et je me suis souvenu du débat que j’ai vus cette semaine sur X — l’ancien Twitter.
Une guerre de tweets entre Camerounais à propos du ndolè et du nkui.

Et puis très vite, ça a dérapé : insultes, tribalisme, mépris.

Tout ça pour un plat ? Pas vraiment.

En fait, La nourriture, ce n’est pas juste ce qu’on mange.

C’est notre première langue culturelle.
On mange même avant de savoir parler.

Les plats de notre enfance, les odeurs de la cuisine de maman, ce sont des souvenirs sensoriels puissants.

De ce fait, quand quelqu’un critique “notre” cuisine, on le vit comme une attaque contre ce qu’on est, ce qu’on aime, ce qu’on a reçu. Une attaque contre notre famille. Ce à quoi on appartient parce que manger c’est aussi appartenir.

Et dans la diaspora, ce lien devient plus marqué.
Quand tout change autour de toi — langue, climat, normes sociales — il te reste ton assiette pour te rappeler d’où tu viens.

La nourriture devient un refuge identitaire.

Ça m’a ramené à la question de mon fils : est-ce que c’était seulement une question de goût et de force ?
Peut-être il voulait savoir à quoi s’identifier.

Alors oui, peut-être que le ndolè rend fort.
Pas parce que c’est riche en fer.
Mais parce qu’il nous rappelle qu’on est enraciné quelque part.

Et parfois, c’est exactement ce dont on a besoin pour grandir.

Raoul Mbe, 14.04.2025

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