La lenteur est un luxe

Lundi matin, alors que je m’activais à préparer les enfants pour l’école, ma fille m’a regardé avec les yeux encore pleins de sommeil et m’a lancé :
« Papa, pourquoi les adultes sont toujours pressés ? »

Sur le moment, je n’ai pas su quoi répondre.

J’étais en train de lui enfiler ses chaussettes à moitié, tout en pensant aux mails non lus, et à cette amende de stationnement que j’avais encore oublié de payer.
Je lui ai dit : « On a pas envie d’être en retard. Allez, bouge un peu ma chérie. »
Mais ses mots ont continué à résonner dans ma tête, bien après qu’on ait claqué la porte.

Pourquoi sommes-nous toujours pressés ?
Pas juste en retard. Pressés. Accélérés.
Comme si chaque instant devait être optimisé, chaque geste minuté, chaque silence comblé.

Sur le court trajet, je l’ai regardée dans le rétroviseur. Elle regardait à l’extérieur, puis posait la tête contre la vitre, sans souci du temps.
Et moi, j’avais déjà en tête mes tâches, mes réunions, mes rappels.

Je me suis senti un peu honteux. Pas parce que je suis un adulte pressé, mais parce que j’ai oublié ce que c’était de ne pas l’être.

Être adulte, ce n’est pas juste avoir des responsabilités.
C’est souvent oublier de s’autoriser à respirer.
À traîner. À rêver. À être lent.
Comme si la lenteur était un luxe qu’on ne mérite plus.

Aujourd’hui, je n’ai pas trouvé une bonne réponse à lui donner.
Mais j’espère qu’en grandissant, elle n’oubliera jamais de poser ce genre de question.
Et surtout, qu’elle gardera en elle ce droit de prendre son temps.